La définition la plus commune de smart city (ville intelligente) pourrait être que la ville intelligente aujourd’hui est celle qui sait tirer bénéfice des révolutions technologiques du nouveau siècle (Internet, IoT, big data, intelligence artificielle…). C’est dans ce contexte que la carte, outil de compréhension et de gestion du territoire se voit évoluer. La cartographie du 21e siècle, digitale et dynamique, permet d’apporter une vision globale du territoire pour compléter et croiser des visions métier silotées. L’ambition de la cartographie pour la smart city ? Donner une « hypervision » aux usages métier. Décryptage.
Aujourd’hui, la cartographie hérite de l’ouverture et de la perspective amenée par Google avec Google Maps et des outils de calcul d’itinéraires (Mappy, ViaMichelin…). Tous s’y sont mis : Bing Maps de Microsoft, Apple Map, Nokia HERE… Le grand public découvre donc à son tour les cartes numériques via les supports web (bureautiques et mobiles). Impossible désormais d’imaginer une solution web ou une application mobile, basée sur des éléments géographiques spatio-référencés sans la visualisation sur une carte !
C’est une réalité pour les outils routiers, mais aussi pour les sites d’avis, d’annonces commerciales et d’emplois et même pour les sites de rencontres ! Ceux-ci ne se limitent plus à des critères alphanumériques (liste de villes ou départements), mais proposent également de sélectionner des points d’intérêt (restaurants, hôtels…) en fonction de leur localisation ou même de leur proximité avec d’autres points d’intérêt. Un phénomène qui s’explique par la culture de la représentation, inculquée dès l’enfance… souvenez-vous de l’apprentissage des départements français sur votre carte de la France, des pays de l’UE, du monde ! La cartographie est en fait une représentation assez simple et compréhensible par tous sans barrière de langue.
Le développement de la ville intelligente est intrinsèquement lié au développement du territoire avec l’apparition des éléments relatifs à la révolution numérique. Internet, objets connectés et autres capteurs constituants de l’IoT (Internet of Things), le big data qui en découle sont autant de nouvelles technologies destinés à de nouveaux usages. Le territoire de la ville, dont les contours évoluent finalement avec ceux des intercommunalités, et son patrimoine, sont mieux représentés par une carte. Suite à l’essor des systèmes d’information géographique (SIG) dans les années 1990 et de leur généralisation dans les années 2000, les villes et les territoires se sont équipés de SIG pour référencer, gérer, analyser et publier leur patrimoine.
La smart city est déjà bien installée dans certains domaines d’application, mais c’est aujourd’hui une notion très silotée :
Depuis longtemps, l’éclairage public est une préoccupation pour les collectivités. Il faut dire qu’il représente 60 % de leurs dépenses en énergie. Une première étape vers la ville intelligente a été franchie en ce sens, avec la mise en place de la télégestion. Le paramétrage, la programmation et la commande de l’éclairage se font alors à distance. Par exemple, les communes dont le patrimoine est connecté peuvent programmer à distance les horaires de mise en marche de l’éclairage public, sur un maillage fin de leur territoire et ainsi ajuster au mieux leur consommation. Aussi de nouveaux capteurs permettent aux patrimoines équipés de détecter la présence de voitures ou de passants et faire varier l’intensité de l’éclairage au besoin.
Enfin, grâce aux rapports instantanés d’anomalies des lampes ou armoires connectées, il est possible de remonter instantanément aux équipes de maintenance des demandes d’intervention automatisées via les solutions de GMAO (Gestion de la maintenance assistée par ordinateur).
Il s’agit par exemple de mettre des capteurs de remplissage dans les conteneurs à déchets (verre, journaux…). L’objectif est ici d’optimiser les tournées de ramassage : accroître le nombre de passages sur les conteneurs qui le nécessitent et raccourcir les tournées en ne passant pas devant les conteneurs vides et informer le citoyen en cas de conteneur plein – et donc indisponible.
Il est possible d’indiquer aux usagers le nombre de places disponibles d’un parking. On peut également aller un peu plus loin en disposant des capteurs sur chaque place de parking. La collectivité connaît en temps réel le taux d’occupation du parking et l’emplacement des places disponibles. Elle peut alors mettre en place des actions pour limiter le temps de recherche d’un stationnement par un usager, améliorant la qualité du service proposé – et par extension permettant une réduction des émissions de CO2. Ces actions permettent également d’améliorer le turn over et la rentabilité des places nécessaire à la survie des communes.
L’enjeu porte essentiellement sur la gestion des fuites d’eau. L’usure naturelle d’un réseau entraîne des fuites difficiles à identifier comme il est enterré. Les outils de relève automatique permettent une détection bien plus rapide. Avec des capteurs de débit, il est même possible d’isoler la partie du réseau concernée et d’en optimiser le rendement.
On constate une grande verticalité dans les applications de la smart city qui font appel à la cartographie. Une ville s’équipe par métier (éclairage, stationnement…) auprès de différents fabricants. Chaque équipement IoT sera piloté par son superviseur. Le superviseur est le logiciel qui permet la programmation, le paramétrage et la relève d’informations de l’objet connecté.
Une ville qui se développe fait l’acquisition d’une multitude d’équipements de différents fabricants pour ses métiers et accumule autant de superviseurs (solution logicielle du fabricant qui permet de paramétrer et commander ses équipements). Lorsqu’il œuvre dans le sens de la smart city, le territoire a besoin d’une plateforme de type « guichet unique » pour y collecter l’intelligence remontée des superviseurs et la traiter. Cette plateforme conserve, au niveau des services métiers, l’usage des logiciels de supervision « fabricants » dédiés aux équipements, pour le paramétrage et la programmation. Elle transmet en parallèle l’information des superviseurs vers un hyperviseur unique qui permettra d’en extraire l’intelligence.
L’hypervision offre donc une vision globale et « smart » de la ville. En allant plus loin, on peut activer des analyses et actions croisées des données récoltées. Par exemple, une borne de recharge de véhicule électrique remonte son état : utilisée/inutilisée. Le capteur de stationnement sur cette place renvoie son statut « occupé/inoccupé ». Ces informations de deux capteurs de deux métiers différents, croisés, permettent d’identifier si une place de recharge de véhicules électriques est utilisée abusivement.
D’autres exemples sont disponibles (croisement de données de métiers divers ou de métiers avec des données « internet » de type météorologie…). Un exemple d’hypervision a été mis en place à Chartres pour ne citer qu’un exemple récent.
Un hyperviseur, c’est en quelque sorte le superviseur des superviseurs. L’hypervision consiste ainsi en l’agrégation et le croisement intelligent des données recueillies par les différents verticaux métier au sein d’un seul et même outil. Cette démarche transverse, qui s’appuie à la fois sur le cartographie et l’open data, constitue un grand pas vers la smart city.